Depuis quelques mois, l’intelligence émotionnelle est l’expression tendance dans les entreprises, exhortant les managers à écouter leurs émotions pour mieux communiquer avec leurs équipes. Cette injonction est parfois difficile à assimiler d’autant que la société et notre éducation ont eu tendance à les faire taire, décrétant par exemple qu’il n’était pas admis de pleurer pour un garçon ou qu’il n’était pas convenable de se mettre en colère en public. La tristesse serait même un signe de faiblesse ; dans toute notre enfance il a fallu les masquer, apprendre même à les dissimuler. Aujourd’hui la donne a changé, les neurosciences ont démontré les processus qui vont au-delà des habiletés cognitives.
Précisément, qu’est-ce qu’on appelle intelligence émotionnelle et comment fait-on pour se servir efficacement de nos émotions?
Un peu d’étymologie pour commencer. Emotion vient du latin, « e movere » qui signifie se mettre en mouvement. Ce n’est pas du tout un hasard puisque toutes nos décisions, absolument toutes nos décisions, sont le fruit d’une émotion, héritage de notre cerveau reptilien. Notre partie cognitive poursuit juste le processus pour justifier à nos yeux d’être humain et social un choix rationnel. L’émotion est donc le point de départ de l’action.
Il est prouvé par les neurosciences que nous disposons d’un système neuronal situé dans le système digestif qui « s’allume » quelques millisecondes avant le cerveau lors de prises de décision.
Vous êtes encore septique ? OK. Prenons l’exemple au hasard de l’achat d’une boite de cornichons. Pourquoi avez-vous choisi ce bocal et pas une autre marque?
Le prix ? la taille ? la couleur ? le gout ? la photo de l’étiquette ? le nutriscore ?…
Vous pouvez vous convaincre de tous les arguments que vous souhaitez, toujours est-il qu’au moment où vous avez fait vos courses, le choix s’est fait en un instant et ça les publicitaires l’ont bien compris. Voilà pourquoi ils usent de tous les artifices pour vous saturer littéralement le cerveau pour associer au produit l’émotion la plus forte possible.
Ce processus de décision est valable dans toutes les situations, dans nos processus d’achat mais aussi dans notre communication aux autres. C’est là que l’on parle d’intelligence émotionnelle.
Ressentir une émotion qui monte (positive ou négative), savoir l’écouter pour comprendre son message et l’apprivoiser pour communiquer positivement, voilà tout l’enjeu de l’intelligence émotionnelle. Et ça ne s’arrête pas là, car dans une communication, vos sensations ne sont moins importantes que celles de vos interlocuteurs. Savoir détecter, ajuster son canal pour fluidifier les échanges, l’exercice demande de la finesse surtout si on a été habitué à les camoufler.
Il y a donc 6 composantes essentielles à l’intelligence émotionnelle :
1- Notre capacité à entendre et identifier nos émotions et nos besoins.
2- L’acceptation de la vraie nature des émotions. Une émotion même puissante peut chez beaucoup de personnes s’installer et bloquer toute communication sur plusieurs heures voire plusieurs jours alors qu’avec de l’entrainement une émotion acceptée apparait, se diffuse et s’évacue en moins de 3 secondes.
3- Comprendre le message positif de chaque émotion. On a tendance à voir seulement le côté négatif des émotions. Or, que ce soit la colère, la peur, la tristesse… chacune d’entre elle à un message positif à nous apporter.
La peur, si elle est justifiée nous informe d’un danger
La colère permet de définir nos limites et nos valeurs
La tristesse est l’expression d’un passage à une nouvelle étape.
De plus, une émotion sur laquelle on met le couvercle aura tendance à frapper de plus en plus fort jusqu’à exploser sans retenue.
4- L’empathie : comprendre et accepter les sentiments et les points de vue des autres
5- La gestion du stress: comment appréhendez-vous les émotions fortes ?
6- l’adaptabilité: on a tendance à oublier ce dernier paragraphe pourtant capital quand on évoque l’intelligence émotionnelle. Les relations dans un groupe social sont systématiquement des adaptations au contexte et à l’environnement.
La véritable intelligence se trouve dans ce dernier point car il est nécessaire d’avoir acquis les précédents concepts pour faire preuve d’adaptabilité, sinon il s’agit de compensation comme le fait de masquer ses émotions ou bafouer sa propre intégrité (dire ce qu’on fait, faire ce qu’on dit…) jusqu’à se soumettre pour éviter le conflit.
Une déficience dans l’intelligence émotionnelle peut empêcher le succès et même traduire l’existence de problèmes psychologiques.
Vous connaissez forcément dans votre entourage ceux qu’on appelle des analphabètes de l’intelligence émotionnelle. Les managers qui n’ont pas fait ce chemin introspectif et vers les autres ne pourront jamais correctement fédérer autour d’eux une équipe performante. Ne leur en voulez pas, ils n’ont simplement pas appris. Rassurez-vous, comme tout apprentissage, il n’est jamais trop tard.
Dans les entreprises, le leadership tant recherché parmi les « soft skills » par les recruteurs à tendance à s’accompagner justement de la capacité valoriser l’intelligence émotionnelle pour
- gérer les individualités dans un collectif pour bien associer les personnalités,
- composer avec les complémentarités, enrichir la pluridisciplinarité, favoriser la transversalité, fluidifier la communication et résoudre les conflits
Les entreprises qui prônent aujourd’hui la qualité de vie au travail doivent regarder de près cet aspect de l’intelligence émotionnelle. Elle permet de mieux comprendre les relations interpersonnelles, permet de détecter les personnes en stress et amène collectivement vers la performance collective et donc à la réussite de l’entreprise.
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Le chemin pour apprivoiser ses émotions peut paraitre long. Gardez à l’esprit que c’est le 1° pas qui compte dans chaque apprentissage. Commencez par les verbaliser, les nommer, découvrez ensuite que dans chaque émotions se cache un mélange d’autres émotions et sentiments. Faites-vous accompagner pour décortiquer et comprendre le message positif de chacun d’entre eux et vous faciliterez votre communication avec les autres en respectant vos besoins fondamentaux.